© DR saphir français, auvergne, bijoux, made in France
L’un des plus grands défis auquel sera confronté dans les années à venir le marché de la joaillerie s’ordonnera autour de la question de l’approvisionnement en pierres de couleur. Cette dénomination désigne l’immense variété de pierres fines mise à la disposition des ateliers ? du grenat au spinelle en passant par la topaze, le béryl tel que l’aigue-marine ou le vaste groupe des quartz ? mais aussi le prestigieux cénacle des pierres précieuses : le rubis, l’émeraude et le saphir.
Contrairement au diamant, de plus en plus traçable ? de la mine à la taille ?, la pierre de couleur parcourt un long et parfois opaque chemin avant de briller sur les créations des maisons renommées. Les grands groupes de luxe reconnaissent, en toute transparence, les difficultés rencontrées.
« Sur la planète, environ 80 % des gemmes de couleur proviennent de petites mines artisanales, ce qui rend difficile la traçabilité de l’origine d’une telle pierre », admet le joaillier Tiffany sur son site en indiquant vouloir améliorer cette situation grâce à un « protocole de garantie ».
Les groupes Kering et Cartier ont mis en place, en octobre 2021, un Responsible Jewellery Council (RJC), qui se fixe pour objectif de garantir la provenance de ces gemmes dans un futur proche. Sans s’astreindre toutefois à un calendrier définitif.
Boucheron, 100 % de traçabilité d’ici 2025
Car la tâche est immense et difficile. Une mine artisanale de saphirs du sud de Madagascar peut par exemple être investie par des milliers de mineurs indépendants, dont des enfants, qui travaillent en dehors de tout cadre légal, comme l’indiquent nos confrères de Glitz. Ces sites non réglementés s’égrènent sur l’ensemble de l’île située au large de la côte sud-est de l’Afrique. Impossible de vérifier les conditions de travail car les joailliers achètent non pas à la mine, mais aux négociants.
Dans son rapport d’impact, publié en 2022, la maison Boucheron énumère les avancées significatives liées à la traçabilité des matériaux nobles comme l’or, le platine et le diamant, tout en soulevant très concrètement les challenges liés à l’extraction des pierres précieuses : « Les émeraudes, saphirs et rubis sont extraits dans au moins 47 pays à travers le monde. Ces pierres proviennent la plupart du temps de mines artisanales ou à petite échelle, selon les estimations des Nations unies. Elles sont échangées, taillées, polies et vendues dans différents centres à travers le monde et changent plusieurs fois de main. »
À LIRE AUSSILa plus grande collection de bijoux jamais vendue aux enchères Le joaillier insiste sur les efforts menés pour clarifier le parcours de la pierre en garantissant des pratiques responsables à chaque étape de la chaîne de valeur. Des efforts longs mais d’ores et déjà payants : « Plus de 60 % des pierres précieuses de couleur que nous avons utilisées dans nos lignes de joaillerie vendues en 2021 sont tracées. Nous nous engageons à atteindre 100 % d’ici 2025. »
À notre connaissance, Boucheron est la seule maison à avoir formulé un engagement aussi ambitieux même si le joaillier reconnaît avoir besoin de la bonne volonté de toute l’industrie pour garantir des solutions à grande échelle.
Gisement « alluvionnaire »
Les efforts menés par le secteur sont importants. L’immense majorité des joailliers ont ainsi renoncé aux pierres, pourtant très prisées par les clients, provenant d’Afghanistan ou du Myanmar, zones de conflits majeurs. Les rubis birmans sont désormais exclus des collections tandis que les saphirs du Sri Lanka deviennent de plus en plus rares en raison des réserves qui s’amenuisent.
Si les grands groupes ont un rôle décisif à jouer dans cette régulation du secteur minier, les petits acteurs cherchent, de leur côté, des alternatives pertinentes. C’est le cas de Mélanie Zacharias, qui, après avoir exercé son talent chez Chaumet en veillant aux collections patrimoniales, propose désormais des pièces de joaillerie sur-mesure créées autour des saphirs d’Auvergne.
À LIRE AUSSILe diamant bleu du MetCes pierres ont l’immense avantage de provenir d’un gisement « alluvionnaire » : c’est-à-dire qu’elles ne proviennent pas d’une exploitation souterraine nécessitant le forage de galeries dans une roche dure. Elles sont extraites ou plutôt cueillies dans les rivières, généralement situées au pied des rochers abrupts ou des montagnes.
Dans l’exposition dédiée aux pierres précieuses en 2021, réalisée avec le soutien de Van Cleef & Arpels au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), le commissaire François Farges, professeur au MNHN, soulignait la singularité de ces saphirs français, cueillis en Haute-Loire et dans le Massif central.
« Au Moyen Âge, l’Auvergne produit déjà des saphirs, employés dans divers reliquaires. Récemment, de fabuleux saphirs ont été trouvés près d’Issoire, dans le Puy-de-Dôme, dont ? un record en Europe ? une pierre de plus de 90 carats, acquise par le Muséum. Elle a vraisemblablement été crachée par un volcan d’Auvergne il y a 20 millions d’années. »
Rares et imparfaites
Cette redécouverte a ému Mélanie Zacharias, qui connaît ses dossiers : son père, Autrichien, était joaillier et gemmologue. « J’ai passé mon enfance chez les négociants. Collectionneur éclectique, mon père m’a transmis le goût de l’objet, du mélange des genres et de l’épure. Ensemble, nous aimions voir la beauté? dans les choses les plus humbles, un silex taillé comme une racine noueuse. »
Ces pierres rares, et parfois imparfaites, inspirent la spécialiste, précisément parce qu’elles sont porteuses de sens. « Elles sont ramassées comme un miracle dans des paysages à couper le souffle. C’est un circuit local très court. »
Pour magnifier « la beauté spontanée » de ces saphirs magmatiques, ni traités ni chauffés et collectés uniquement durant la saison d’orpaillage, qui impose la mise au repos de la rivière en hiver, la créatrice a imaginé une première série de colliers talismans empruntant volontiers leurs lignes aux motifs antiques.
À LIRE AUSSIJoaillerie : Il est temps de ressortir vos brochesLes cercles concentriques sont un clin d’?il à l’onde du cours d’eau, mais aussi une interprétation de la spirale qui symbolise, de la Chine à l’Afrique, la fertilité et le cycle de la vie. Des sertis clos à arêtes en or satiné offrent une réminiscence des bijoux étrusques. Un pendentif emprunte son motif de granulation à une technique ancestrale de haute précision. Les billes d’or soudées une à une sont placées « a grappolo ».
Chacune des pièces est fabriquée à la main dans un atelier de haute joaillerie parisienne en or 18 carats recyclé. « Ces pierres sont là, à côté de chez nous. La prospection est limitée mais c’est précisément ce qui en fait toute sa valeur à mes yeux. J’ai pris le temps de partir à la rencontre de ces hommes qui, sur place, prospectent et taillent eux-mêmes les saphirs dans le respect de la rivière. C’est une histoire locale qui se vit dans intermédiaire et qui est intimement liée à ces sanctuaires sacrés qui façonnent le paysage. ». La joaillerie succomberait-elle à son tour au quiet luxury, ou luxe apaisé ?
Mélanie Zacharias Joaillerie Paris, La Rochelle. Création de pièces uniques de joaillerie exclusivement sur commande. Contact : melanie@zacharias-joaillerie.com
© Fournis par Le Point
« Pierres précieuses », Flammarion, septembre 2020, 304 pages, 33 euros.
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