Que peut raconter la haute joaillerie ? Les studios de création ont à leur arc de l’or, du platine et des pierres, éléments de leur vocabulaire qui doivent éblouir leur clientèle mais qui deviennent de plus en plus délicats à se procurer. En effet, les pierres précieuses se raréfient, les mines à l’impact social désastreux sont radioactives en matière de réputation, sans compter le sujet qui agite le milieu cet été : apprendre à se passer des diamants russes. En mai, le G7, encouragé par Washington, a adopté des sanctions afin d’en « limiter le commerce » et cibler ainsi le régime de Vladimir Poutine – les autres pierres, en revanche, ne sont pas concernées… Mais parce qu’un bijou ne se limite pas à sa matière première, son design doit aussi délivrer une bonne histoire, le fameux storytelling… Et à ce jeu, chaque marque adopte une stratégie différente.
Certains, prudents, s’en tiennent aux thèmes classiques, pour ne pas dire éculés, de la discipline : faune, flore, nature, saisons… Ainsi, Chaumet, joaillier dont le naturalisme est le fonds de commerce, revisite ses jardins. « Je voulais adopter un point de vue quasi photographique, explique le directeur du studio, Ehssan Moazen. Nous avons regardé par exemple certaines natures mortes d’Irving Penn : chez lui, les fleurs, même figées, ont du caractère, ce à quoi nous voulions parvenir. » L’intention fonctionne particulièrement bien sur des pensées diamantées dont les pétales se désagrègent, du gui dont les fruits sont en perles, des feuilles de vigne d’or blanc finement veiné. Mais ce sont les pièces plus abstraites, qui s’émancipent de ce mimétisme romantique, qui ont le plus de substance. L’arum, par exemple, est réinterprété en broche sinueuse, comme une vague, et un collier cravate, destiné à reproduire l’écorce d’un arbre et doté d’une opale de 50 carats, évoque presque une tête de serpent. Comme si la nature pouvait offrir plusieurs lectures.
Chez De Beers, les quatre saisons, un des sujets récurrents de la haute joaillerie, valent par la très haute qualité des diamants présentés, de toutes tailles, toutes formes et tous types de sertis (clos, neige, griffe, dans la masse…). Ils se retrouvent montés dans des bagues papillons, doucereux mais contrastés de diamants laissés bruts sur les ailes, sur des bagues sculptures en forme de fossile, des boucles d’oreilles en spirale d’émail grand feu caramel ou sur une parure asymétrique en or blanc brossé qui reproduit les craquelures d’une plaque de givre.
Astuces inventives
Piaget aussi cherche à marquer sa différence en partant, comme à l’accoutumée, de la nature, et en dégottant des astuces inventives. Ainsi, des formes imparfaites en cristal de roche créent l’illusion de gouttes d’eau sur un collier façon cascade, alors que de fines striures sur l’or jaune reproduisent la délicatesse d’une plume sur une monoboucle d’oreille en titane. Des effets graphiques efficaces.
Les Japonais Tasaki et Mikimoto, eux, continuent à faire du thème aquatique leur histoire favorite. Après tout, leur expertise se situe dans la perle : Kokichi Mikimoto fut le premier, en 1893, il y a pile 130 ans, à inventer la perle de culture, en insérant dans l’huître un nucléus, corps étranger qui, ensuite, est nappé de nacre. Tasaki se limite à quelques cascades de perles Akoya (rosées), peu décoiffantes. Elles peuvent se poser sur l’oreille sans être fixées sur un lobe percé, gimmick que la griffe maîtrise. Chez Mikimoto, on déploie un voyage plus fertile dans les bas-fonds océaniques en mêlant perles de Tahiti, grises ou vert foncé, et volumineuses perles des mers du Sud, crème. Oursins de nacre grise, coraux en fils d’or très fins, broche pieuvre… Si elles dégoulinent en franges, les perles peuvent aussi surprendre en pans rigides : tressées entre elles sur un fil de pêche, elles parviennent, sur un collier, à figer le mouvement d’une vague, voire à dessiner la forme d’une collerette Renaissance.
Les Londoniens Graff et David Morris, eux, ne s’embarrassent pas d’une narration thématique : chez ces deux-là, la lumière est sur les gemmes. Chacun vante avec ferveur les caratages et les teintes franches ; Graff, de ses diamants jaunes intenses ; David Morris, de ses tourmalines Paraiba d’un turquoise piscine ou d’un rubis du Mozambique dit « sang de pigeon ». Là, le bijou assume de n’être envisagé que pour ses qualités intrinsèques, ni plus ni moins.
Enfin, Valérie Messika, à qui passer pour une outsider ne déplaît pas, adopte un thème moins rebattu que la concurrence. En découvrant la série « Halston », autour de la vie du couturier Roy Halston Frowick dans le New York disco et camé des années 1970, elle a eu envie de retraduire l’atmosphère de cette décennie enfiévrée. « Je n’ai jamais été un oiseau de nuit, mais Andy Warhol et le Studio 54 m’ont toujours fascinée : la nuit apporte une autre lumière », dit-elle. Bracelet façon enfilade de lunes (motif des néons du Studio 54) ; bague avec deux gros diamants jaune et rose taillés en forme de cœur, comme les lunettes de Marianne Faithfull ; ras de cou en or poli miroir à vous scier la rétine ; collier à reflets démultipliés avec des mégadiamants jaunes posés par-dessus un lit de petits diamants blancs… On croirait que Diana Ross ou Donna Summer ont fait un casse chez les diamantaires d’Anvers ! Si les allergiques au « too much » tourneront de l’œil, il faut reconnaître que Messika trace une voie singulière. « La mode est un atout différenciant par rapport à la joaillerie traditionnelle, a-t-elle compris. Pour moi, ce qui compte, c’est avant tout l’allure. »
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