DÉCRYPTAGE – Dix à quinze millions d’euros de bijoux ont été dérobés chez le joaillier Piaget, mardi, rue de la Paix à Paris. Après ce genre de casse, les malfaiteurs transforment les bijoux afin de pouvoir les revendre à l’étranger.
Un casse discret au montant mirobolant. Dix à quinze millions d’euros de bijoux ont été dérobés mardi chez l’horloger et joaillier Piaget, rue de la Paix à Paris. Vers midi, une femme et deux hommes élégamment vêtus de costumes sombres ont pénétré dans la boutique en se faisant passer pour des clients. Soudain, un membre du trio a brandi une arme de poing et enjoint les trois employés et deux agents de sécurité à s’allonger sur le sol, face contre terre. Ils ont pillé les vitrines et le coffre de la célèbre maison de luxe en à peine cinq minutes avant de repartir à pied avec leur copieux butin, sans faire de blessé. Une enquête pour «vol à main armée en bande organisée et séquestration en bande organisée» est en cours, confiée à la Brigade de répression du banditisme (BRB).
Des bijoutiers et diamantaires professionnels – véreux bien sûr – nous faisaient des commandes. On leur livrait le magot et ils transformaient les bijoux pour les rendre méconnaissables et les revendre
Fabrice Rose, ancien braqueur
«On ne va pas chez Piaget par hasard», commente auprès du Figaro le braqueur repenti, Fabrice Rose, condamné à quatre reprises par une cour d’assises. Selon lui, «un coup comme celui-ci, dans une bijouterie aussi connue, en plein Paris, c’est forcément une commande, avant d’envoyer les bijoux à l’étranger et de les revendre. Ça se passait déjà comme ça à l’époque pour nous», se souvient celui dont le dernier casse remonte aux années 1990. «Des bijoutiers et diamantaires professionnels – véreux bien sûr – nous faisaient des commandes. On leur livrait le magot et ils transformaient les bijoux pour les rendre méconnaissables et les revendre.»
Revendus à «vil prix»
Un business bien plus fructueux pour ces receleurs que pour les braqueurs qui, eux, ne touchent généralement que 10 à 15% de la valeur marchande de leur casse, souligne le policier et délégué syndical Synergie officiers, Yann-Henry Tiniere. «Les voleurs sont pressés de se débarrasser des bijoux afin de ne pas être interpellés avec, et d’encaisser l’argent. Pour les receleurs, c’est un moyen de pression considérable qui leur permet de les racheter à un vil prix», abonde Jacques Morel, référent sécurité à l’Union française de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, des pierres et des perles (UFBJOP), et ancien général de gendarmerie.
Orfèvres ou pas, lorsqu’ils se retrouvent en possession des objets volés, les receleurs s’attellent à leur transformation afin qu’ils ne soient plus identifiables. «Sur les parures, il y a un marquage fait au laser dans les pierres précieuses, détaille Jacques Morel. Alors, les receleurs démontent les colliers. D’un côté, les pierres précieuses – qui disposent toutes d’un certificat avec leur poids et leur taille – sont retaillées. De l’autre, les métaux comme l’or sont fondus et réutilisés pour faire d’autres bijoux.» Quant aux montres de luxe, «les numéros de série qui sont gravés sur le boîtier sont modifiés, puis elles sont revendues avec de fausses garanties, soit via des réseaux parallèles, soit par des biais officiels comme dans des ventes aux enchères ou sur des sites comme Chrono24», détaille de son côté l’ancien braqueur, Fabrice Rose. Et Jacques Morel d’ajouter : «Tout ça part généralement vers les Émirats et les pays de l’Est pour les montres, vers la Hollande et la Belgique pour les bijoux.»
Le casse du siècle
Le 14 mai dernier un réseau de receleurs de montres et bijoux de luxe opérant entre la France et la Belgique a été démantelé par la gendarmerie nationale et la police fédérale belge. Au fil de leurs investigations, les enquêteurs ont découvert que les magots dérobés en France étaient acheminés vers Anvers, en Belgique, – près de quarante-cinq voyages en l’espace de dix-huit mois -, pour être revendus à des bijoutiers ayant pignon sur rue de l’autre côté de la frontière. Une trentaine de montres, une cinquantaine de bijoux et près de 30.000 euros en liquide ont été saisis, sept suspects ont été interpellés dans l’Hexagone, trois en Belgique. «Ces réseaux criminels sont loin d’être infaillibles, soutient le référent sécurité à l’UFBJOP. Il y a souvent des informateurs de la police parmi les receleurs qui permettent de démasquer toute la chaîne.»
Malgré tout, certains réussissent à s’évaporer avec le butin, dans un brouillard de mystère et de fabulations. «En mai 2013, un type seul, à l’allure d’un touriste, est entré dans l’hôtel Carlton à Cannes où un joaillier organisait une expo-vente. Un pistolet à la main, il a volé pour plus de 100 millions de bijoux. Dix ans plus tard, on ne l’a toujours pas retrouvé, pas plus que les parures», s’étonne encore l’ancien gendarme face à ce qui est considéré, à ce jour, comme le casse du siècle.
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