Un événement a pris le monde de la joaillerie par surprise début juin. À New York, un rubis de 55,22 carats proposé à la vente par la maison Sotheby’s était adjugé, en moins de deux minutes, pour 34,8 millions avec les frais et commissions. La surprise ne venait pas du record de prix pulvérisé par cette gemme titanesque mais par son origine : le Mozambique. La pierre, baptisée « Estrela de Fura », avait été taillée dans un brut de 101 carats découvert en juillet 2022 dans une mine située à Montepuez où un important gisement avait été mis au jour en 2009.
Habituellement, les enchères s’enflamment pour les rubis birmans, provenant principalement de la région de Mogok, au Myanmar (ex-Birmanie), et qui se caractérisent par leur rouge franc et soutenu, qu’assombrit une légère pointe de bleu. Les experts parlent de couleur « sang de pigeon ». L’étonnement était porté à son comble par le fait que le « Sunrise Ruby », proposé un mois auparavant à la vente par Christie’s, n’avait pas atteint les sommets espérés : un peu plus de 13 millions d’euros. Cette pierre de 25,59 carats, d’origine birmane, appartenait à la cassette d’Heidi Horten. La milliardaire autrichienne, décédée en 2022, en avait fait l’acquisition, en 2015, pour un montant bien supérieur.
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Ces deux événements, qui ont alimenté d’innombrables discussions entre les professionnels du secteur, sont riches d’enseignements. D’une part, ils soulignent l’étendue des facteurs qui contribuent à établir, à l’instant T, le prix d’une pierre. Dans le cas du rubis birman de Mme Horten, se conjuguaient l’émotion soulevée par l’origine de la fortune de la propriétaire défunte et la difficulté – toute relative en ce qui concerne les pierres d’extraction ancienne – de proposer désormais des gemmes provenant d’une zone de conflit.
L’engouement hors norme pour la pierre « Estrela de Fura » – un rubis provenant du Mozambique coûte habituellement dix fois moins cher que son équivalent birman – semble indiquer, quant à lui, l’influence que peut avoir une campagne de sensibilisation savamment orchestrée par le propriétaire de la pierre. Dans le cas présent, il s’agit de la société canadienne Fura Gems fondée par Dev Shetty en 2017.
Le caractère des pierres : nouveau critère d’excellence
Ces péripéties mettent également en exergue le rôle capital joué par les acheteurs de pierres au sein des maisons de joaillerie. Un rôle d’autant plus décisif que les montants en jeu sont de plus en plus colossaux. Les avis sont unanimes : ces collectionneurs recherchent le prestige d’une signature qui s’épanouit par l’évidence d’un style mais aussi, et de plus en plus, par la singularité des pierres proposées.
On pense notamment à Chaumet qui, cette saison, marquait très favorablement les esprits en insérant dans ses créations naturalistes une myriade de gemmes exceptionnelles – dont une émeraude de Colombie taille coussin de 21,59 carats environnée de perles fines – et d’autres, plus inattendues mais tout aussi pertinentes, à l’instar de ce spinelle rouge provenant d’une nouvelle mine découverte en Tanzanie ou d’un set de spinelles aux tonalités bleu cobalt. Cette couleur indiquait une source spécifique – les montagnes d’An Phú au Vietnam – et soulignait la volonté du joaillier de séduire une clientèle sensibilisée à la rareté de cette matière.
Certaines maisons, à budgets équivalents, bénéficient évidemment d’une meilleure donne. Bulgari a confié sa direction artistique à Lucia Silvestri qui est également une acheteuse émérite de pierres, formée auprès des frères Bulgari. Chez Cartier, l’accent est mis sur le caractère de la gemme. Un caractère qui se manifeste par une taille singulière, souvent hybride, complétée par une couleur surprenante. Louis Vuitton mise sur le talent d’un gemmologue (29 ans de métier) qui a également la particularité d’être géologue. Cette double expertise permet au chercheur de tordre le cou aux idées reçues – en expliquant par exemple, analyse des couches sédimentaires à l’appui, la valeur d’un rubis de Tanzanie sans teinte secondaire – tout en proposant un voyage de longue haleine, et savamment documenté, au cœur de la cristallisation.
L’importance des appairages
Pour consolider sa croissance et affirmer ses ambitions dans le domaine de la haute joaillerie, Piaget, qui dispose de son propre laboratoire de gemmologie, possède une sérieuse paire d’atouts : Christophe Bourrié, qui dirige le département et Guillaume Chautru, qui cherche les pierres les plus belles, que ce soit en termes de couleur, de pureté mais aussi de taille. Les deux experts, qui ont capitalisé sur l’aigue-marine et l’émeraude de Colombie cette saison, mettent ainsi un point d’honneur à retravailler les gemmes pour leur donner une taille spécifique, tout en les intégrant dans des appairages exigeants. « C’est compliqué aujourd’hui de trouver certaines catégories de pierres de très grande valeur, comme les émeraudes haut de gamme. Aussi, lorsque nous en mettons plusieurs, équivalentes en pureté et couleur, à disposition du client, au sein d’une même parure, cela augmente intrinsèquement la valeur de chacune des pierres. »La maison De Beers Jewellers s’appuie, quant à elle, sur les trésors du conglomérat portant le même nom. La dernière collection du joaillier londonien mettait ainsi en lumière plusieurs diamants de couleurs, dont un sublime diamant Fancy Intense Pinkish Purple de 2,78 carats taille coussin, un émouvant diamant brut Fancy Purple de 1,31 carat et un étonnant diamant gris (Fancy Dark Green Grey) taille poire, de 5,06 carats tandis qu’à l’abri des regards, réservé aux commandes spéciales, un extraordinaire diamant orange Fancy Vivid de 2,03 carats allumait ses reflets d’incendie. Harry Winston consolidait sa légende en dévoilant, auprès d’une poignée de clients triés sur le volet, une collection spectaculaire qui éclairait la capacité du joaillier new-yorkais à proposer des pierres vraiment très précieuses tout en intercalant des références à sa propre histoire : une parure arborait ainsi un appairage saisissant de perles de conche, dont un spécimen stupéfiant de 41,95 carats (encore plus rare qu’un diamant D Flawless pour donner une échelle de valeurs) faisant ainsi écho au collier, constellé lui aussi de cette matière précieuse, vendu en son temps à Elizabeth Taylor.
La force des maisons familiales
Notons enfin, dans cette concurrence accrue, la remarquable aptitude des maisons familiales à tenir la dragée haute aux grands groupes de luxe. Formée par son père diamantaire, Valérie Messika cisèle son statut de reine du diamant en insufflant un vent de fraîcheur vraiment irrésistible dans ses créations. Une reine en phase avec son époque. Révélée début juillet, une bague Toi & Moi unissait ainsi l’allégresse d’une soirée disco et la préciosité d’un dialogue tissé entre un diamant jaune de 16,19 carats et un diamant rose de 7,06 carats, tous deux taille cœur.Le joaillier Graff confirmait, de son côté, son excellence en distillant, avec aisance, un florilège éblouissant de diamants jaunes Fancy Vivid, taille ronde, qui semblent emprisonner des éclats de soleil en fusion. « La grande force de cette maison familiale est de se libérer des contraintes budgétaires annuelles inhérentes aux grands groupes et de proposer à ses designers un flot ininterrompu de pierres hors du commun, choisies personnellement par un membre de la famille », indique Anne-Eva Geffroy, directrice du design du joaillier londonien, qui précise : « Un tel appairage de diamants jaunes de cette qualité et de ce poids, proposés en taille ronde, c’est unique : l’expérience d’une vie. »
Londres, autre épicentre de la haute joaillerie mondiale ? On est tenté de le croire en admirant les merveilles présentées par la maison David Morris à Paris, début juillet également. Sur un plateau de quelques centimètres carrés s’alignait un quatuor de bagues qui prodiguaient respectivement l’éclat d’une émeraude de Colombie taille coussin de 11,87 carats, d’un rubis du Mozambique taille coussin de 13,21 carats, d’un saphir birman taille émeraude de 10,97 carats et enfin d’un diamant rose Fancy Vivid, taille émeraude, de 0,69 carat, bordé de diamants blancs taille triangle. Une prodigalité d’autant plus impressionnante qu’elle ne constitue que le sommet de l’iceberg. De quoi stimuler la compétitivité d’un secteur où règnent en majesté des institutions telles que Van Cleef & Arpels.
Il faut dire que la maison française, pour conserver sa suprématie, place la barre au sommet de l’Olympe. Prenant parfois jusqu’à dix années pour constituer un stock nécessaire à la mise en place d’une collection-manifeste – ce fut le cas pour la collection Treasure of Rubies dévoilée en 2019 –, le joaillier signe la pièce phare de la saison avec un collier constellé de 10 rubis birmans, taille ovale, remarquablement assortis, d’extraction ancienne, retaillés pour l’occasion, et d’un poids important : 32,20 carats au total. Un chef-d’œuvre d’autant plus inestimable que le prix de ces pierres virtuellement introuvables sur le marché désormais – en raison des événements cités plus haut – peut atteindre dans certains cas le million d’euros par carat. Une folie validée par les collectionneurs qui donnent décidément raison à Shakespeare : la passion s’accroît en raison des obstacles qu’on lui oppose.
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