© DR bulgari, black Pink, haute joallerie
On comprend les raisons qui poussent ouvertement le géant Tiffany à vouloir adopter à son tour le modèle proposé par la maison italienne Bulgari. En 10 ans, le joaillier romain sous la direction de Jean-Christophe Babin a doublé son chiffre d’affaires tout en renforçant le prestige (et donc le prix) de ses créations. « Une élévation de marque », comme disent les spécialistes, qui suscite l’adhésion sans réserve d’une clientèle fortunée grâce à un univers cohérent et reconnaissable, à la fois dans le domaine de la joaillerie, de l’horlogerie, de la maroquinerie et, plus récemment, de l’hôtellerie très haut de gamme. Cette élévation s’exerce notamment dans la haute joaillerie grâce à des collections de plus en plus étoffées, dévoilées généralement au début de l’été.
Quelques chiffres : en 2016, la collection de haute joaillerie de la maison s’ordonnait autour d’une cinquantaine de pièces. Chacune d’entre elles pouvait s’acquérir pour moins d’un million d’euros. En 2023, la nouvelle collection présentée la semaine du 15 mai à plusieurs centaines de clients, rassemblés à Venise pour l’occasion, réunit 180 nouvelles créations uniques, dont 90 dépassent le million d’euros. Dès le deuxième jour de la présentation, au c?ur du showroom se développant sur plusieurs étages au c?ur du Palazzo Soranzo Van Axel, les grands vendeurs ont une préoccupation inédite : non plus vendre une pièce, mais trouver une pièce à vendre. C’est la razzia.
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Deux collaborateurs de la maison reprennent leur souffle dans le somptueux décor bordé de tissus conçus par le créateur de textiles Rubelli. Ils ont les yeux ronds : « ça se vend comme des petits pains » dit l’un d’eux, stupéfait mais ravi. Bien sûr, les résultats finaux dépendront de nombreux facteurs et certaines pièces resteront en négociation pendant plusieurs mois, mais dans l’ensemble, l’ambiance est à l’euphorie.
Comment analyser ce plébiscite ? L’univers de la maison tout d’abord, suave et envoûtant. La dynastie Bulgari, initiée par Sotírios Voúlgaris, orfèvre grec établi à Rome dès le début du siècle dernier, cristallise en bijoux sensuels et opulents une dolce vita teintée de glamour hollywoodien depuis l’installation des studios de Cinecitta au c?ur de la ville éternelle. Une grammaire stylistique ensuite. Elle compose un lexique joaillier unique au monde : les formes Bulgari puisent immanquablement leur essence dans le classicisme gréco-romain, la renaissance italienne, l’école romane d’orfèvrerie, l’architecture romaine ou gothique. Des pierres singulières enfin, volumineuses et volontiers taillées en cabochon : leurs tons les plus vifs incendient une riche palette dorée de soleil virgilien.
Ouverture et hybridation
Cet héritage auquel, et c’est suffisamment rare pour être précisé, la maison n’a jamais renoncé malgré les soubresauts de la mode était précisément mis en exergue à Venise. Avec un accent porté sur le caractère multiculturel (à l’image de la clientèle) de ce patrimoine. Les lieux choisis pour révéler la collection Mediterranea célébraient avant tout la rencontre et les échanges. Entre l’Orient et l’Occident, la nature et l’architecture, les rivages et les artisanats. Melting-pot, kaléidoscope, hybridation : ces mots-clés apparaissaient dans les discours de bienvenue (« Venise symbolise l’ouverture aux autres cultures en réunissant des univers éloignés, des jardins secrets de la Route de la Soie aux dunes de sable chaud du désert africain » rappelle Jean-Christophe Babin), notamment lors du dîner de gala, précédé d’un défilé, organisé au Palazzo Ducale en présence d’un florilège impressionnant de stars internationales (Zendaya, Lisa de Blackpink, Anne Hathaway, Priyanka Chopra Jonas, Hikari Mori notamment, tandis que le podium en mosaïque précieuse exécutée par l’atelier d’art Orsoni ? le fourneau historique de la ville ? accueillait Stella Maxwell, Blesnya Minher, la petite-fille de Nicola Bulgari et, sous les vivats, Eva Herzigova).
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Ces leitmotivs vivifiaient également les créations réunies autour de trois univers galvanisant respectivement la somptuosité baroque du sud de l’Italie, l’Est et l’Ouest, la splendeur romaine. Des vagues d’aigue-marines et de diamants taille poire conjuguées autour d’un saphir central de 15,13 carats taillé en coussin évoquent l’eau glacée de la brûlante Toscane ; un collier de diamants et de saphirs transparents ressuscite le calcaire blanc des villages baroques couronnant la région des Pouilles ; un appairage exceptionnel d’émeraudes taillées en poire que rehaussent 60 émeraudes de taille mixte « buff-top » transfigurent les reliefs de l’Ara Pacis, célèbre monument romain construit par Auguste au nord du Champs de Mars. Les arts de l’Islam inspirent un collier qui fait fleurir autour d’une émeraude colombienne de 13,34 carats un jardin constellé de perles de tourmalines roses, de saphir figurant des motifs moghols indiens. Le Serpenti enfin, apparu pour la première fois dans les productions du joaillier il y a 75 ans, distille ses lascives sinuosités dans une myriade de pièces uniques illuminées ici de neuf saphirs du Sri Lanka, là de sept émeraudes taille poire, de formes irrégulières.
Pierres singulières et savoir-faire d’exceptions
Cette narration créative, éclairée par des pierres choisies avec soin par Lucia Silvestri, directrice artistique de la maison, est évidemment soutenue par des savoir-faire d’exceptions. Mauro Di Roberto, directeur du développement joaillerie, pilote ce défi. « La capacité de production est un enjeu décisif », détaille l’expert qui dépose sous nos yeux, avec la nonchalance d’un esthète et l’adresse d’un prestidigitateur, un collier constellé de grenats mandarins et de citrines éclatantes. On pense aussitôt aux nuances chaudes d’un marché d’épices en Afrique du Nord, tandis que les insertions de nacre et d’onyx paraissent convoquer le souvenir d’un tatouage au henné. « La souplesse et le confort réclamé par cette pièce réclament des artisanats sophistiqués qui eux-mêmes nécessitent des années de métier. »
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Pour les créations joaillières, la maison a prévu de doubler sa capacité de production en augmentant significativement la superficie de sa Manifattura ? qui est déjà le plus grand site de production de bijoux en Europe ? inaugurée à Valenza il y a cinq ans. Pour les pièces uniques de haute joaillerie, tout se passe à Rome, au Laboratorio. « Le collier Muse of Rome par exemple a exigé l’intervention de deux orfèvres pendant huit mois pour créer la structure résistante, sophistiquée et pourtant légère qui accompagne la gemme centrale d’un caratage conséquent. Le collier Southern Sapphire, avec son saphir de Ceylan de 66,88 carats, a nécessité plus de 1 600 heures de travail pour obtenir ce résultat aérien. « Notre travail en amont a consisté à miser sur l’excellence, le savoir-faire et l’expertise, ce qui n’a pas été et n’est toujours pas une mince affaire car il faut intéresser les jeunes talents à nos professions et l’Italie ne dispose pas, contrairement à Paris, d’une filière éducative parfaitement organisée dans ce domaine précis. »
L’autre défi concerne les pierres. « La concurrence entre les maisons ne fait que se renforcer, surtout pour les pierres exceptionnelles comme cette émeraude de plus 218 carats, d’une qualité parfaite, taillée en pain de sucre. Lucia Silvestri se déplace personnellement chez les négociants, au Sri Lanka, à New York, Genève, Bangkok ou Jaipur, qui est son marché préféré. Mais il n’en reste pas moins que la quantité de pierres précieuses disponibles n’est pas illimitée. Notre agilité créative consiste à galvaniser la beauté des pierres fines et des pierres dures telles que le grenat, la tourmaline, l’aigue-marine, la rubellite ou la turquoise par exemple. »
Prodigalité et hospitalité
Un grand joaillier doit donc avoir l’agilité et le charisme d’un magicien. Et c’est précisément sur ce dernier paramètre que Bulgari consolide sa croissance insolente. À l’identité finement ciselée (on parle de « territoire de marque » dans le jargon) et au choix du très-très haut de gamme se superpose une ultime qualité : l’énergie vitale. Le joaillier est une maison incarnée, qui sait que le luxe à l’italienne repose intrinsèquement sur la prodigalité. Les invités réclament spontanément leur photo-souvenir avec le chaleureux CEO, les clients se mêlent avec un plaisir visible aux stars présentes ou se confondent d’admiration devant le concert-surprise de Norah Jones.
La culture, pilier de l’élégance, rayonne dans les moindres détails : le showroom, établi dans un palais construit à la fin du XVe siècle par la famille vénitienne Soranzo puis enrichi de fresques et de bas-reliefs par la famille hollandaise Van Axel, ressemble à une exposition d’art où se côtoient ici sculpture modulaire en verre réalisée par Venini et son directeur artistique Marco Piva, colonne imitant les écailles d’un serpent imaginée par le studio Zanellato/Bortotto, installation recouverte de tissus précieux (inspirés par la légende des Colonnes d’Hercule) conçue par Rubelli et Formafantasma, tandis qu’un salon high-tech sollicite les ressources de l’Intelligence Artificielle pour dévoiler, par le biais de fenêtres 3D, des créations numériques de l’artiste visuel Giuseppe Lo Schiavo, avec la plus haute résolution jamais créée à ce jour. Aucune monotonie, aucun hermétisme. Un unique critérium : la délectation. À bien des égards, le style Bulgari est aussi un art de l’hospitalité.
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