Jamais, durant la semaine consacrée aux présentations des collections de prêt-à-porter – la fameuse Fashion Week, qui se déroule actuellement à Paris jusqu’à ce mardi 3 octobre –, les joailliers n’avaient autant pris la parole. À l’exception notable de Messika, qui a organisé un défilé – illuminé de stars – consacré à ses étincelantes créations contemporaines, et de Chopard, qui a dévoilé ses dernières pièces de haute joaillerie « Red Carpet » au cœur de l’hôtel 1, Place Vendôme (c’est son nom) tout juste terminé, les grandes institutions du secteur se sont apparemment donné le mot pour célébrer leur patrimoine (même s’il est relativement récent) plutôt que leurs nouveautés.
Le célébrer mais aussi le vendre, chacun à sa manière. Tandis que Bulgari fêtait avec éclat les 75 ans de son célèbre Serpenti (dont les sinuosités hypnotisent à la fois les bijoux, les montres mais aussi les sacs du joaillier romain) dans le jardin du musée Nissim Camondo, la maison Chaumet inaugurait, dans les salons historiques de l’hôtel Baudard de Saint-James métamorphosés pour l’occasion en temple disco, l’exposition « Un âge d’or : 1965-1985 ».
Au cœur de l’installation ciselée par Vanessa Cron brillent notamment les premières incarnations des iconiques bijoux « liens », qui prennent subitement un cachet délicieusement subversif en étant reliées à l’effervescence d’une époque qui réinventait sans frilosité les techniques et les usages. Présage de réinterprétations à venir ? Louis Vuitton, de son côté, dévoilait place Vendôme un luxueux ouvrage, édité avec Rizzoli et préfacé par Cate Blanchett, consacré à l’approche créative de Francesca Amfitheatrof, directrice artistique du pôle haute joaillerie de la maison depuis cinq ans.
À LIRE AUSSI Les noms en or de la joaillerie françaisePlus discrètement, Cartier et Van Cleef se rappelaient également au bon souvenir des acheteurs internationaux en présentant dans leurs salons de vente, respectivement situés rue de la Paix et place Vendôme, des pièces d’archives qui n’étaient pas simplement destinées à égayer le regard des visiteurs mais également à être vendues. Si la sélection de bijoux anciens proposée par Van Cleef & Arpels ne suivait pas de fil conducteur particulier (autre que celle, évidente, de la virtuosité), les créations vintages dévoilées par Cartier s’ordonnaient autour du thème du félin, et de la panthère plus précisément. Un motif animalier que de nombreux joailliers internationaux ont exploré mais jamais avec autant de constance, de subtilité et d’inspiration que la maison française.
Art, culture et joaillerie
Élan nostalgique collectif ? Pas tout à fait. Cette mise en valeur du patrimoine s’inscrit dans une tendance de fond qui vise principalement à conquérir la planète et les nouveaux consommateurs. Elle a émergé progressivement au début des années 1980 pour s’accélérer ces dix dernières années. Cartier est la maison qui, la première, a donné à ce mouvement son ampleur actuelle. « Joseph Kanoui, avec Alain Dominique Perrin, a été le refondateur de Cartier : ils ont été les premiers artisans de l’industrie du luxe telle que nous la connaissons actuellement », indique Corentin Quideau.
Ce consultant réputé a été durant de nombreuses années le bras droit de Micheline Kanoui : l’épouse de l’entrepreneur avait pris la direction de Cartier haute joaillerie en 1980 avant de céder les rênes en 2000. « Sous l’impulsion de Micheline, nous avons lancé les premières collections de joaillerie répétitives mais aussi de haute joaillerie, articulées autour de thèmes choisis, s’appuyant sur les archives de la maison. Cette réappropriation, par une maison, de son patrimoine artistique était une complète nouveauté », précise le consultant.
Parallèlement à cette réédification de thématiques historiques (l’Art déco, l’Inde, le bestiaire), la maison prenait un éclat nouveau grâce à l’inauguration d’une fondation d’art contemporain et la mise en chantier de rétrospectives : la première véritable exposition d’envergure consacrée à un joaillier, intitulée l’Art de Cartier, s’est déroulée au Petit Palais en 1989. Le catalogue faisait une large place aux textes de l’écrivain Paul Claudel – qui avait été l’époux de la fille de Pierre Cartier – et dont l’ouvrage La Mystique des pierres précieuses avait été édité par la maison en 1938. La recette consistant à entremêler à grande échelle l’art, la culture et la joaillerie a, depuis, largement prouvé sa pertinence.
« La clientèle asiatique accepte désormais de porter du second marché »
Dans les salons de Sotheby’s, à quelques pas du palais de l’Élysée, des bijoux anciens attendent leurs nouveaux propriétaires. Ils seront mis à l’encan, en live, ce mardi dans le cadre de la semaine de vente consacrée au luxe. « La session consacrée aux bijoux est la plus importante en termes de lots et de valeurs. Nous devrions clôturer autour de 4 millions d’euros pour 273 lots », indique Magali Tesseire, qui dirige le pôle joaillerie de la maison de vente. L’experte est catégorique. « Les joailliers français ont une renommée sans équivalent. Cet engouement est justifié par la qualité d’un savoir-faire effectivement remarquable, mais aussi par le prestige d’un nom qui séduit désormais toute la planète grâce aux actions menées par les maisons. »
À LIRE AUSSI Comment Bucherer veut aussi s’imposer dans la haute joaillerieUn engouement de plus en plus vif. « Il faut plusieurs années pour que l’accent mis par les maisons sur leurs icônes portent leurs fruits sur le marché de la seconde main : les collectionneurs sont attirés par les pièces et les thématiques qui sont également soutenues par les joailliers. » L’une des pièces présentées fait prospérer les silhouettes en trois dimensions de deux félins sur un bracelet articulé. Ce bijou constituera vraisemblablement le clou de la vente. Il est signé Cartier et on reconnaît la patte de Micheline Kanoui, qui en son temps avait fait sortir des ateliers des panthères, des tigres et des léopards en or jaune tacheté à l’envi de diamants jonquille et d’onyx, aux expressions plus douces et amicales que les prédateurs conçus à partir des années 1940 pour la duchesse de Windsor, la princesse Nina Aga Khan, Barbara Hutton ou encore Maria Felix. Rien de trop dans le réalisme : comme toujours chez Cartier, une juste distance évite l’emphase pour privilégier le charme sans jamais trahir le modèle.
« Deux maisons sortent vraiment du lot. Il s’agit de Cartier et Van Cleef & Arpels. Sûrement parce qu’elles ont organisé avant les autres des expositions et des installations à travers le globe mais aussi, dans le cas de Van Cleef particulièrement, des campus et des écoles. Nous le constatons bien sûr à Genève, New York, mais aussi, et c’est tout à fait récent, en Asie. Il était inimaginable auparavant de faire acquérir à une clientèle asiatique une pièce déjà portée. Nous vendions jusqu’à maintenant des pierres prisées par ce marché – le jade et le rubis par exemple – serties sur des montures nouvelles, et surtout ne manifestant aucun signe d’appartenance antérieure. C’était très important pour eux d’acheter une pierre ou un bijou sans âme, sans karma. L’école Van Cleef & Arpels, qui rappelons-le enseigne tout aussi bien les spécificités de l’Art nouveau que, par exemple, la saga des grands joailliers du XIXe siècle comme Mellerio, a permis de changer les choses en sensibilisant cette clientèle à notre histoire joaillière. »
L’objectif de pierre-marie-bernard.com est de trier sur le web des posts autour de puis les diffuser en tâchant de répondre au mieux aux questions du public. Cet article parlant du sujet « » fut sélectionné en ligne par les rédacteurs de pierre-marie-bernard.com. Cette chronique est reproduite du mieux possible. Pour toute remarque sur ce texte concernant le sujet « », merci de contacter les coordonnées indiquées sur notre site internet. Consultez notre site internet pierre-marie-bernard.com et nos réseaux sociaux afin d’être renseigné des nouvelles parutions.