« Nous ne comptons pas les carats, nous comptons les siècles. » Cette célèbre citation de Margrethe II, reine de Danemark depuis 1972 (seconde femme à régner sur le pays, la première étant Marguerite Ire, 700 ans plus tôt), résume l’essence de la joaillerie royale danoise.
Une citation dont on mesure la valeur depuis que l’exposition A Queen’s Jewelry Box : 50 Years on the Throne Told in Jewelry, inaugurée le 14 janvier 2022 au musée d’Amalienborg, situé au cœur du palais Christian VIII à Copenhague, a permis aux visiteurs internationaux de mieux saisir la singularité d’une cassette dont la richesse s’exprime tout d’abord par la diversité des provenances. Cette diversité, signalons-le au passage, illustre l’ancienneté d’une monarchie apparentée à la plupart des membres des maisons royales d’Europe (la grand-mère maternelle de Margrethe était la petite-fille de la reine Victoria tandis que sa mère Ingrid de Suède, de la dynastie Bernadotte, descend également de Joséphine de Beauharnais).
La singularité de cette cassette s’exprime également par l’originalité d’un style. « Pour Sa Majesté, les bijoux ne sont pas que des bijoux », indiquait le communiqué qui précisait bien que la reine de Danemark choisissait ses parures « très consciencieusement et activement, avec soin et considération ».
Aux côtés de joyaux bien connus comme le fameux diadème de perles poirées – offert en 1825 à la princesse Louise de Prusse avant d’intégrer, au gré des alliances matrimoniales, la collection de la famille royale suédoise puis danoise – brillaient des bijoux plus personnels : on pense à la broche en fer à cheval sertie de rubis, offerte en 1953 à la reine par son père le roi Frederik IX de Danemark qui venait signer l’acte de succession permettant aux femmes d’accéder au trône danois (depuis 2009, c’est le premier-né du monarque qui devient l’héritier, quel que soit son sexe) ou la broche Daisy ayant appartenu à la reine Ingrid et qui semblait destinée à illuminer la souveraine actuelle (Daisy – qui signifie marguerite en Anglais – étant son surnom). Fil rouge de cette collection, l’une des plus grandes d’Europe : une floraison quasi systématique de formes organiques où s’épanouissent volontiers les pleins et les déliés du monde végétal.
Un mélange de classicisme et de romantisme national
Mary de Danemark partage avec sa belle-mère le goût des bijoux qui mettent en relief la fragilité et la longévité de la nature. Une allégorie de la couronne danoise qui a plus de 1 000 ans et qui continue, malgré son apparente vulnérabilité, à se perpétuer ?
À plusieurs occasions, notamment lors du gala célébrant les 18 ans de la princesse Ingrid Alexandra de Norvège, au palais d’Oslo, la princesse héritière de Danemark a arboré un diadème figurant 31 bourgeons de fleurs que bordent des feuilles et des branches d’acacia doré (un hommage aux origines de l’épouse du prince héritier Frederik de Danemark qui est née, rappelons-le, à Hobart en Australie). Les métaux et techniques utilisés (l’argent noirci conjugué à l’or rose) donnent l’impression que cette flore est représentée sous des nuages d’argent qu’inonderait le clair de lune. D’où le nom du diadème – Midnight Tiara – qui est de conception récente puisqu’il a été exécuté par les ateliers de la maison Ole Lyngaard en 2009.
Relativement peu connu en France, ce joaillier danois fête pourtant ses 60 ans d’existence cette année et bénéfice d’une aura importante dans les pays du Nord. Cette aura est justifiée d’une part par la qualité d’un savoir-faire prodigué par 40 artisans regroupés dans un atelier situé à Hellerup, dans la région Hovedstaden, à quelques kilomètres de Copenhague. D’autre part, par la délicatesse d’un design qui transfigure la silhouette du lotus ou du serpent en entrelacs gracieux. C’est élégant, extraordinairement confortable (la fameuse fonctionnalité danoise est ici à l’œuvre), le tout s’inscrivant dans une tradition danoise qui réclame, selon les préceptes énoncés par le designer Kaare Klint, une conjugaison de classicisme, de romantisme national et une exaltation d’un artisanat de grande qualité. L’or, gravé à la main, présente un fini satiné qui évoque cette lumière si spéciale, à la fois douce et vive, qui illumine le détroit d’Øresund. Une science de la lumière et du contraste qui fait parfois penser à l’art de vivre japonais.
« Le travail artisanal est primordial »
Notons également la capacité de cette dynastie d’orfèvres à se mettre spontanément en scène : dans la maison familiale, un cottage de pur style gustavien, le patriarche Ole, 85 ans et toujours actif, prend volontiers la pose entourée de son fils Søren qui a pris les commandes du navire et de sa fille Charlotte, devenue directrice artistique de l’entreprise en 1994, pour célébrer les vertus de l’harmonie nordique qui associe si spontanément le raffinement et la décontraction.
Si la maison entretient des liens privilégiés avec la famille royale danoise depuis plusieurs décennies – le joaillier a été nommé fournisseur officiel de la cour en 2008 –, son ambition ne se limite pas à illuminer les têtes couronnées en Europe. Les 250 points de vente disséminés à travers le globe confirment la volonté de l’organisation, qui compte 160 employés, de faire connaître l’élégance de la joaillerie scandinave bien au-delà des frontières du royaume.
Des boutiques en nom propre ont été inaugurées ces 10 dernières années à Sidney, Munich mais aussi Paris. Rue du 29-Juillet, à deux pas de la place Vendôme, un écrin abrite des collections qui égrènent une sélection choisie ; souvent taillés en cabochon, de pierre de lune, de quartz rose, d’aigue-marine. Des teintes apaisantes. « Tout est fait à Hellerup », rappelle Charlotte qui souligne la maestria de ses maîtres orfèvres. « Jamais nous ne ferons appel à des procédés plus pratiques et moins coûteux. Le travail manuel et artisanal est primordial dans notre conception du bijou. » Les diamants bénéficient également d’un traitement particulier. Une taille à 57 facettes autorise des pavages complexes qui constellent précisément la nouvelle collection Funky Stars présentée cette année. La créatrice mise aussi, pour séduire la France, sur l’authenticité d’un style et la permanence d’une philosophie qui ne se sont jamais autorisé les sorties de route depuis 1963. « Tous nos bijoux, récents et plus anciens, qu’ils soient dessinés par mon père ou par moi-même, peuvent être portés ensemble. Ils font parure et c’est ce qui fait leur force. »
Ole Lynggaard Copenhagen, 4, rue du 29-Juillet, Paris 1er
www.olelynnggaard.com
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